Dans Aire de jeux, son recueil le plus mûr, Yorgos Alisanoglou explore des thèmes et des techniques qui lui sont familiers : le rêve, l'errance, la mélancolie, l'amour qui constitue ici le dernier refuge, le flux – sang, eau – la solitude, le poème qui meurt et renaît et enfin les chansons comme soundtrack du recueil, mais aussi la musique et la musicalité, l'attente du prodige et le désespoir de sa non venue. La nouveauté, dans ce recueil, est l'historicité dans laquelle s'inscrit l'angoisse, dans cette aire de jeux qu'est le monde – dont les règles sont édictés tant par les visages changeants du pouvoir que par le hasard. Mais cette aire de jeu a aussi une autre dimension, c'est l'univers de la parole, de la parole poétique, de sa remise en question et de son lien à l'histoire, mais aussi à la politique.
Quatre parties composent le recueil : « Guerre », « mémoire », « trophées » et, à la fin, « limites d'un printemps », de cette voix qui persiste et se venge au moyen de l'avenir. La voix qui persiste est cette voix intrinsèquement révoltée du poète, ou, plutôt, du poème. Qui vit et survit en l'absence du poète. C'est la voix des maudits. Des marginaux. Des innocents. Des insurgés. De tous ceux qui habitent poétiquement le monde et, ainsi, le changent, laissant résonner leur voix, leur murmure, bien après eux.