1928. Fonctionnaire muté en province, mourant d'ennui, atteint de la syphilis, Còstas Karyotàkis se suicide à trente-deux ans. Il laisse trois minces recueils de poèmes et quelques proses, moins de 150 pages en tout, très noires, désespérées, qui dès sa mort déchaînent les passions. D'un côté, des admirateurs et imitateurs fanatiques (on va languir, écrire et même se suicider comme lui) ; de l'autre, les défenseurs des valeurs traditionnelles qui vitupèrent sa poésie décadente. Karyotàkis va devenir un classique, et plus encore : quelqu'un de « terriblement présent », comme on l'a récemment écrit, près d'un siècle après sa mort. Quelqu'un dont la misère personnelle a été celle de tout un peuple à son époque, mais qui surtout reste d'actualité dans notre temps sans idéaux et sans avenir, en Grèce comme ailleurs en Europe. Les Grecs amateurs de poésie - on sait combien ils sont nombreux - savourent ses poèmes aujourd'hui encore voluptueusement, ou amèrement, ou les deux ensemble. Tous ses poèmes sauf un sont écrits en vers, et traduits de même.