En Grèce, le passé ne passe pas. Les années les plus noires du pays ne cessent de hanter les livres qu’on écrit là-bas, aujourd’hui encore, même quand leurs auteurs ne les ont pas vécues. L’Occupation allemande, qui fut plus terrible encore que chez nous — des milliers d’Athéniens moururent de faim —, est décrite ici par Elissàvet Chronopoùlou, née quinze ans après, avec une précision si terrible qu’on croirait qu’elle y était.
Les désastres de la guerre — la faim, la mort, l’humiliation—, chaque histoire en éclaire une nouvelle facette, nous fait quasiment toucher, flairer toutes ces douleurs ; la mort nous colle aux doigts, littéralement. Mais le pire, c’est le désastre en nous-mêmes. L’ennemi qui occupe le pays s’en ira un jour, mais les dégâts provoqués en nous par la guerre, eux, resteront. L’autre ennemi, le plus terrible, est au fond de nous : c’est la peur qui nous ronge, la souffrance qui nous rend insensible à celle des autres, la « régression collective », le « retour à l’animalité ». Nous voyons là des êtres humains en danger de perdre leur qualité d’être humain.