Voilà une pièce terrible. Une variation sur le thème de la solitude et de la mort — plus encore que dans les autres pièces de Marìa Laïna. Il n’y a pas d’amour ici, chacun de nous est seul, irrémédiablement — en même temps qu’enfermé, de façon contradictoire, dans cette prison étouffante qu’est la famille. L’enfer, c’est l’absence des autres et les autres en même temps. Quant à la mort… Vie, mort, tout se mélange. La Mère, malgré son corps qui l’abandonne, et bien qu’elle meure très tôt, va rester plus vivante que ses enfants survivants, ces zombies. Cette cohabitation entre vivants et morts n’est pas seulement une trouvaille saisissante sur le plan dramatique : elle exprime l’âme profonde d’un pays où les morts sont plus vivants qu’ailleurs.
Affaire de famille est passionnant aussi par l’audace, la radicalité de sa construction. Au théâtre, d’habitude, l’art consiste à exposer brièvement et complètement toutes les informations permettant au spectateur de s’y retrouver. Ici, au contraire, on est plongé d’abord — comme si souvent dans la vie — dans une situation où tout nous échappe, un brouillard illuminé d’éclairs de violence verbale, d’échanges pleins d’étincelles, d’éclats d’une ironie cinglante, et c’est peu à peu que l’histoire passée va se dessiner, que le puzzle va prendre forme — et encore, jamais complètement.