" Je suis content, bien content, que nous nous soyons rencontrés... Je ne pensais pas que nous pourrions être camarades. -Et pourquoi ? " demandai-je avec une sincère surprise... Sa main qui continuait d'étreindre la mienne, comme s'il eût voulu s'attacher à moi, trembla un peu. Ce ton et ce frémissement me bouleversèrent. J'entrevis chez cet être si différent des autres une détresse intime, persistante, inguérissable, analogue à celle d'un orphelin ou d'un infirme. Je balbutiai avec un soupire, affectant de n'avoir pas compris : " Mais c'est absurde... pour quelle raison supposais-tu... -Parce que je suis juif ", interrompit-il nettement et avec un accent si particulier que je ne pus distinguer si l'aveu lui coûtait ou s'il en était fier.