Inédite en France à ce jour, cette correspondance nous plonge dans l'univers intime d'un couple mythique de la littérature italienne. " Chère Elsa, je n'ai plus eu de tes nouvelles, mais je continue quand même à te donner des miennes, dans l'illusion que cela te fera plaisir d'en recevoir. Je fais donc toujours les mêmes choses, que je t'ai déjà dites. Malheureusement je dors mal et cette nuit, peut-être à cause du bruit fait par deux Danoises de retour d'un bal, je n'ai presque pas dormi.
Je me sens très nerveux, très agité, très agacé. Hélas, pas même Anacapri où je me suis senti bien si souvent ne parvient à me calmer. Berto est arrivé et nous avons tout de suite repris le scénario. Je ne travaille à rien d'autre, j'ai essayé de commencer une nouvelle, mais elle me donne si peu de plaisir à l'écrire que je l'arrêterai. Comme je te l'ai dit tant de fois, je pense souvent à toi et je ressens terriblement ton absence.
Plus que je ne croyais. Quand tu viendras, je serai, du moins au début, presque heureux. " (Anacapri, 11-15 août 1951) La centaine de lettres, télégrammes et cartes adressée par Moravia à Elsa Morante sur près de quarante années (1947-1983) témoigne du lien profond et durable qui unit passionnellement deux des plus grands écrivains du xxe siècle. On découvre au fil de ces lettres leur vie mondaine, leurs amitiés choisies, leur commune passion de l'écriture et l'esprit de saine compétition littéraire, la beauté de Rome et l'enchantement d'Anacapri.
Mais s'y dévoilent aussi deux personnalités incompatibles, qui tantôt se ménagent et tantôt se trahissent, qui sont tantôt amants tantôt bourreaux, tantôt vénaux tantôt spirituels, qui ne parviennent jamais à vivre autrement cet étrange et puissant amour. Unis, autant que divisés, pour la vie.