Six nuits sur l'Acropole est l'unique roman publié, à titre posthume, par le poète Georges Séféris, prix Nobel de Littérature en 1963. Portrait hachuré d'une poignée de jeunes gens « en quête de cohésion » sur le rocher de l'Acropole, à la pleine lune, ce récit, d'une grande liberté de ton et d'allure, apparaît aussi comme le portrait d'une ville, Athènes dans les années 20, d'une génération s'ébrouant dans une bohème qu'on dirait encore neuve, et d'une jeunesse revisitée : celle de l'auteur lui-même, partagé entre un passé amputé, omniprésent, et l'apprentissage de sa liberté.
« Il respira profondément. Salomé avait fermé les yeux. Le clair de la lune avait couvert son visage de neige. Il se sentit complètement perdu. Elle, sur le ton dont on parle en rêvant, poursuivit :
- ... jusqu'à ce qu'une Gorgone aux petites jambes fasse son apparition.
Elle se pencha brusquement, chercha son sac, l'ouvrit :
- Demain après-midi, il n'y aura personne à la maison. Je viendrai. Attends-moi, voici la clef. Je crois que cela nous fera du bien.
Elle prononça la phrase distinctement, calmement, comme une infirmière, et lui caressa l'épaule. C'est alors qu'on entendit le premier coup de sifflet des gardiens.
Georges Séféris, Six nuits sur l'Acropole, « Première nuit ».